Lundi 13 avril 2020
Par Maître Hervé Tourniquet, Avocat au Barreau de Paris.
Lire notre avertissement : https://bit.ly/3a2fgEE
Mon employeur ne m’a toujours pas payé pour le mois de Mars, et quand je lui ai demandé si mon virement avait été envoyé elle m’a répondu très vaguement que c’était compliqué, les banques et les comptables ne travaillant pas complètement… elle abuse de ma gentillesse et de ma confiance et ajoute maintenant que nous devons retourner au travail lundi prochain, le 13 Avril. Nous sommes dans la restauration et elle a obtenu l’autorisation de faire de la vente à emporter elle veut donc que je retourne au travail, sans avoir été payée pour le mois de Mars.
La situation n’est malheureusement pas surprenante car les salaires de janvier et février n’ont pas été versés dans un délai raisonnable et j’avais du insister plusieurs fois pour réussir à avoir mon salaire, en plusieurs fois (dont un chèque personnel de sa part d’une partie du montant total, qui est revenu impayé à la banque.)
Je n’ai reçu de sa part aucune fiche de paye depuis le début de mon contrat le 8 Janvier 2020. J’aurais voulu savoir quels sont mes recours, suis-je obligée de retourner au travail Lundi ? Si je n’y retourne pas je doute récupérer mes fiches de paye et le solde de ce qu’elle me doit, je ne pourrais donc pas toucher le chômage et me retrouverais sans emploi. Je me sens donc coincée et j’aimerais votre aide pour connaître mes droits plus précisément dans cette situation. Pour information cet emploi est dans un restaurant à Paris, et j’ai signé un CDI début Janvier.
Votre question soulève plusieurs problèmes.
La description que vous faites (règlement d’une partie du salaire sur le compte personnel de l’employeur) semble révéler l’existence de difficultés économiques de votre employeur et en tout cas une confusion de patrimoine inquiétante.
Sur le versement de votre salaire de mars, il est incontestablement dû et votre employeur ne peut s’en exonérer pour cause de crise du COVID 19. Vous ne dites pas si votre employeur a déposé une demande de chômage partiel
Le premier conseil que l’on peut vous donner est d’adresser à votre employeur, par recommandé et par mail (compte tenu des difficultés actuelles d’acheminement postal) une lettre de mise en demeure, de vous verser vos salaires et de vous adresser la remise de vos bulletins de salaire.
Le non règlement des salaires constitue un manquement grave de l’employeur à ses obligations et peut conduire sous certaines conditions et s’il rend impossible la poursuite du contrat de travail, le salarié à prendre acte de la rupture du contrat de travail et à quitter l’entreprise
Il doit alors, dans la foulée, saisir le Conseil des Prud’hommes d’une demande de requalification de votre prise d’acte de rupture en licenciement abusif.
Mais une telle initiative ne peut être prise sans un examen préalable approfondi de votre dossier (qui ne peut être effectué dans ces colonnes) compte tenu des risques auxquels elle vous exposerait, la prise d’acte, si elle n’est pas suffisamment étayée, pouvant être assimilée à une démission.
Nous ne pouvons donc que vous inviter à vous rapprocher d’un avocat ou de l’organisation syndicale de votre choix pour procéder à cette analyse et vous assister utilement et, dans ces conditions, nous vous déconseillons vivement de quitter l’entreprise.
Vous devez, sauf arrêt de travail, vous présenter à votre poste et vous assurer que votre employeur garantisse votre sécurité
Dans l’immédiat, si, malgré votre mise en demeure votre salaire ne vous est pas versé, vous pouvez saisir le Conseil des Prud’hommes territorialement compétent (celui du lieu du restaurant), en référé puisque le paiement des salaires fait partie des domaines dans lesquels l’activité de la formation des référés est, en principe, maintenue. Vous pourrez en profiter pour demander la délivrance de vos bulletins de salaire de janvier et février dans le cadre de la même procédure.
Mais votre question en induit une autre qui est celle du fonctionnement du Conseil des Prud’hommes en cette période.
Bien que le Gouvernement se soit engagé à garantir le fonctionnement régulier de la formation des référés des Conseils de Prud’hommes pour les situations les plus urgentes, telles que celles que vous décrivez, il n’a, en réalité, pris aucune mesure à cette fin, notamment pour garantir des conditions de sécurité minimales pour les justiciables, leurs défenseurs, les conseillers prud’hommes et les greffiers.
Le résultat est que la plupart des Conseils sont aujourd’hui fermés, y compris leur formation des référés.
Ensuite vous devez remplir un formulaire de saisine que vous pouvez télécharger à l’adresse suivante : https://www.formulaires.service-public.fr/gf/cerfa_15586.do
Vous devez ensuite envoyer votre saisine par lettre recommandée avec accusé de réception à moins que le Conseil des Prud’hommes dont vous relevez ait maintenu un accueil du public.
Là encore, nous vous conseillons vivement de vous faire assister aussi bien pour la rédaction de vos demandes que pour les défendre.
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