Par Jean Luc Malétras, co-auteur du livre « Des soins sans industrie ? ».
« Le confinement est une mesure nécessaire du fait de l’état délabré actuel de notre système public de soins. En d’autres termes, face à la « casse » il faut d’abord ralentir puis échelonner l’afflux des malades à l’hôpital. Depuis des années, et plus encore en 2019, la recherche française et les personnels de santé ont crié leurs colères et leurs détresses. Les gouvernements successifs sont restés fixés sur leurs objectifs de réduction d’activité de l’hôpital public et ont refusé d’écouter les propositions du personnel tout en privilégiant les structures privées pour la plupart détenues par les fonds spéculatifs anglo-saxons. Lorsque la bombe sanitaire explose, le gouvernement colmate en urgence sur le dos de la population et en fragilisant l’avenir. Ce livre a été écrit avant la crise sanitaire, qui démontre l’importance de la question traitée dans ce livre : Des soins sans industrie ? »
« Des soins sans industrie ? » est d’une grande actualité, il a pourtant été écrit plusieurs mois avant la crise du Corona virus.
Ce livre n’aurait jamais vu le jour sans le conflit contre la vente de l’activité radiologie de Thales.
En 2012, le personnel fait reculer la direction du groupe. Pour la CGT cette victoire est importante mais elle ne permet pas de garantir l’avenir de l’activité radiologie et les emplois liés à celle-ci.
Un collectif intitulé Imagerie d’Avenir est mis en place cette même année par les syndicats CGT Thales. Il vise à permettre une action dans la durée autour du développement de la filière industrielle du médical abandonnée en France en 1987.
Ce collectif a pris une multitude d’initiatives et rencontré une grande diversité de professionnels notamment dans les milieux de la santé et de la protection sociale.
Ce travail très enrichissant nous a permis de gagner en crédibilité, mais aussi, d’identifier une difficulté majeure. Pour un grand nombre de nos interlocuteurs, la nécessité de réindustrialiser la France était loin d’être une évidence. Notre action était, au mieux, perçue comme un simple et légitime attachement à préserver des emplois industriels, un problème donc interne au monde de l’industrie. D’autant que pour eux, la fourniture de matériel de santé et de médicaments était couverte par quelques groupes étrangers.
Il était impératif, pour la suite de notre action, d’expliquer les dangers de cette dépendance extérieure et les effets pervers de ces « achats sur étagères ».
Une opportunité s’est présentée à nous en 2018 de rejoindre l’association MAnifest pour l’Industrie (MAI). Cette association collait parfaitement à l’objet de notre action et nous offrait, par la diversité de ses membres, une occasion d’ouvrir les échanges. En retour, nous apportions à MAI 6 ans d’expérience pratique autour de la reconquête d’une filière industrielle.
A l’occasion d’une Assemblée Générale de MAI, la réalisation d’un livre portant sur l’industrie médicale est retenue. Trois membres (j’y reviendrai) se portent volontaires pour sa réalisation.
Après une année de travail et l’organisation de séminaires de travail, de visites de laboratoires, d’entreprises, le manuscrit est déposé en août 2019. Une succession de difficultés retarde la parution du livre, notamment l’apparition du Covid-19.
En fait, les aléas rencontrés ont conduit à donner une toute autre dimension à notre livre. L’actualité faisait voler en éclats le point de blocage que nous rencontrions, la question de soigner sans industrie faisait la Une de l’actualité.
Le Covid-19 apportait chaque jour un flot d’illustrations aux maux que nous développions dans le livre et confirmait le grand besoin de transformation que nous proposons. Le lecteur pouvait de lui même trouver les exemples pour illustrer nos propos.
Qui aujourd’hui peut nier les dangers de la dépendance industrielle ?
Trois auteurs aux profils très différents.
Dès la mise en œuvre du collectif Imagerie d’avenir, nous avions conscience que le sujet nécessitait un travail collectif beaucoup plus large pour porter ce projet ambitieux.
Dès 2012, nous avons cherché à nouer des relations avec les différentes fédérations CGT impactées : fédération de la Métallurgie, de la Santé, de l’Action Sociale et de la Recherche. Nous avons également, ouvert le collectif à des ingénieurs et des chercheurs.
Pour nous, il ne s’agissait pas de revendiquer une industrie pour l’industrie, mais bien de regagner une maîtrise industrielle nationale apte à restaurer la souveraineté de notre secteur sanitaire que nous estimions très menacée.
Il nous fallait donc travailler trois champs simultanément (désignés dans le livre comme les trois piliers fondateurs pour recouvrer notre souveraineté sanitaire) : réfléchir à une réorganisation globale du pilotage stratégique de la santé publique, mettre en débat une démocratisation profonde du système sanitaire, en particulier de l’hôpital public, et œuvrer à la création d’une véritable filière industrielle dédiée à la santé. Ces trois piliers font corps. Les deux premiers forment en quelques sortes la base du « cahier des charges » du troisième.
La différence de profil entre les trois auteurs part de cette volonté de traiter le plus complétement possible ce besoin impératif de construire une industrie répondant aux exigences des professionnels de santé et au développement d’un service public de soins.
Jean Pierre Escaffre et Raphaël Favier ont été de l’« aventure » dès la création du collectif imagerie d’avenir en 2012. Leur livre La France se délite : Réagissons ! sur lequel ils travaillaient a été d’un grand apport dans notre réflexion.
La collaboration avec Jean Michel Toulouse s’est réalisée à l’occasion de l’assemblée de l’association du MAI (2O19), son expérience de directeur d’hôpital et les amitiés qu’il a tissées dans le monde des hôpitaux a été précieux.
L’écriture du livre s’est réalisée sur la base d’un grand travail collectif où nous avons veillé à couvrir les trois champs incontournables pour reconquérir la filière. La différence de profil des auteurs part de cette volonté de traiter le plus complètement possible ce besoin impératif de construire une industrie répondant aux exigences des professionnels de santé et au développement d’un service public de soins.
_________________________________________
1 L’historique du travail de ce collectif est consultable sur le site http://imageriedavenir.fr/
2 Le Covid-19 a (hélas) validé nos craintes et l’intérêt de nos propositions. Jean-Pierre Escaffre : agrégé TEG, maître de conférences Hdr honoraire à l’Université de Rennes 1. Il a exercé comme professeur à l’École Nationale de la Santé Publique (Rennes), pour la formation de Directeurs d’Hôpitaux publics français. Il est l’un des co-créateurs de l’Association Latine d’Analyse des Systèmes de Santé (ALASS).
3 Raphaël Favier : docteur d’État en sciences physiques. Créateur ex-nihilo d’école d’ingénieur publique, de centres d’innovation pratique industrie/public et directeur de ces structures. Spécialise dans les politiques d’innovation et de recherche. Expert en recherche de créneaux recherche/industrie. Ancien expert européen. Auteur tous les deux du livre : La France se Délite Réagissons ! jean Pierre Escaffre et Raphaël Favier, H Diffusion, 2017.
4 Jean-Michel TOULOUSE : Ancien dirigeant de grands hôpitaux publics. Il est docteur en Droit public et prépare une thèse de sociologie politique à l’Université́ Paris-Saclay sur la démocratie délibérative.
Vous devez être connecté pour publier un commentaire. Login