Dans « Les Dépossédés de l’open space », Fanny Lederlin porte un regard très critique sur le développement du télétravail. L’auteure nous alerte sur la société d’individus et de travailleurs atomisés vers laquelle nous entraînent le néolibéralisme et son corolaire, le « néotravail ».
Dans l’entretien qu’elle a accordé à Travailler au Futur, Fanny Lederlin, nous invite à s’interroger : « Voulons-nous de cette société où nous serions plus performant au travail parce que nous ne serions plus dérangé par les autres, par la présence des autres, par le corps des autres ? Quel est le sens d’un travail qui n’est pas dérangé ? D’un travail où il n’y a plus de collègue qui vient nous demander de l’aide, plus de regards ou de discussions informelles pour nous soutenir, nous conseiller, nous alerter éventuellement lorsque nous nous égarons… » Fanny Lederlin vois dans ce « néotravail » une remise en cause fondamentale des dimensions socialisantes et politiques du travail.
Avec le télétravail, souligne l’auteure, « on nous dit c’est formidable, les travailleurs gagnent de la liberté, ils ont une meilleure maîtrise de leur temps, la possibilité de mieux articuler vie privée et vie professionnelle… » Les travailleurs eux-mêmes tiennent ces discours, constate Fanny Lederlin : « Je vais pouvoir aller chercher mes enfants à l’école, faire du jardinage dans mes moments creux. », etc. Pour la philosophe, tous ces aspects s’avèrent grandement illusoires. « Certes, on passe moins de temps dans les transports quand on télétravaille, mais les études montrent que ce temps libéré est rempli… par du travail. Pendant la période de confinement, les travailleurs commençaient leur journée plus tôt le matin, en pyjama, et finissaient beaucoup plus tard le soir, en oubliant parfois de déjeuner… En réalité, plutôt que de permettre de maîtriser son temps, le télétravail allonge le temps de travail et l’étale sur tous les temps de la vie. »
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Pour Fanny Lederlin, on constate non pas tant une meilleure harmonie entre vie privée et vie professionnelle mais une invasion du travail dans le domicile, dans la vie privée, dans l’intimité familiale… « On assiste, insiste-t-elle, à une diffusion du travail dans la vie et à une indifférenciation entre la sphère privée et la sphère professionnelle. Des phénomènes qui sont extrêmement néfastes d’un point de vue existentiel, mais aussi social et politique. Il me semble urgent de nous interroger sur cette existence, sur ce mode de vie…»
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