« Les demandeurs d’emploi qui rentrent dans nos agences ont une véritable urgence sociale ». Guillaume Koning, directeur territorial de Pôle emploi, dirige les 21 agences du département de Seine-Saint-Denis. Il a bien voulu répondre à nos questions. Entretien réalisé par Cédric Porte.
Quelles sont les initiatives que Pôle emploi mène sur le territoire de Seine-Saint-Denis ?
Nous faisons participer les candidats à des actions ponctuelles comme valoriser leur image. En effet, ils ne possèdent pas toujours les codes vestimentaires, le vocabulaire, propres à entretien d’embauche. D’autre part, nous réalisons des jobs dating. Nous faisons venir des employeurs dans nos agences afin qu’ils présentent leurs métiers devant un public choisi et préparé par nos conseillers Pôle emploi. Dans un second temps, ils font passer des entretiens de recrutement individuel.
J’ai participé à un job dating à l’agence d’Aubervilliers où Bouygues Construction présentait leurs métiers. Je me souviens de la question qui a été posée : « Est-ce que vous voulez participer à la construction du centre aquatique olympique qui sera sous les feux des projecteurs en 2024 ? Est-ce que vous voulez en être ? » Je peux vous dire que dans la salle les yeux brillaient, les demandeurs d’emploi avaient des étincelles dans les yeux.
Un autre évènement s’est organisé devant les locaux du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques à Saint-Denis.
Le concept était de tous venir en tenue de sport, l’employeur-recruteur comme le demandeur d’emploi, et ensemble de pratiquer une activité sportive sans dire qui est qui. Puis après le déjeuner, on tombe tous les masques. Cela permet d’avoir une autre nature de relation employeur et demandeurs d’emploi. Cela fait partie de nos opérations hors agence.
Nous avons également organisé une opération de grande ampleur sur une péniche. Cette croisière est à la base une idée de l’établissement Plaine Commune en collaboration avec la direction territoriale Pôle emploi du 93, afin de montrer les chantiers des JO « en vrai ». La péniche passait devant les chantiers des JO, avec ses grues, ses engins de terrassements. Les recruteurs étaient aussi à bord pour présenter leurs besoins. L’équipe de facilitateurs de la clause sociale était également présente pour accompagner et conseiller les publics, leur faire réaliser que c’est sur leur territoire que ces projets historiques auront lieu. En 2024, les yeux seront rivés sur leur département.
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Quelles sont les spécificités de la demande d’emploi en Seine-Saint-Denis ?
Ce qui caractérise le département par rapport aux autres en île de France, c’est le taux de chômage qui dépasse les 11 % quand la moyenne nationale est de 8 % et de 7 % pour la région. Il faut regarder la demande d’emploi en fonction des catégories de publics :
- La catégorie A (Regroupe les personnes n’ayant aucun emploi mais étant en recherche active d’un contrat) compte 125 760 demandeurs
- La catégorie B (En recherche active tout comme les personnes classées dans la catégorie A, ces chômeurs ont toutefois eu une activité partielle de 78 heures maximum au cours du dernier mois) compte 19 440 demandeurs
- La catégorie C (En recherche active, ces demandeurs d’emploi ont eu « une activité réduite longue », ayant travaillé plus de 78 heures durant le dernier mois) compte 33 440 demandeurs soit un total pour le 3e trimestre 2021 de 178 640 inscrits tenus de rechercher un emploi.
En comparaison, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits pour la région Île de France est de 1 035 750. À lui seul le département de Seine Saint Denis représente 17 % du nombre de demandeurs en Île de France.
Qui sont les demandeurs d’emploi du département ?
Nos demandeurs d’emploi sont un peu plus jeunes que la moyenne nationale, ils sont aussi bien moins formés. Leurs niveaux de qualification ou de compétences sont moindres. Concernant les niveaux intermédiaires – niveau CAP et niveau Bac -, nous nous tenons à peu près à hauteur de la région Île-de-France.
Un autre critère que nous ne chiffrons pas au niveau de pôle emploi et qui caractérise notre département, c’est son taux de pauvreté. Le département de Seine-Saint-Denis se trouve pourtant à une encablure de la capitale et paradoxalement, il est le plus pauvre de la France métropolitaine. Une personne sur deux qui rentre dans nos agences réside dans les quartiers prioritaires de la ville. Suivant les critères de l’INSEE, ils sont plus pauvres, plus fragiles, plus vulnérables.
Pour autant ce qui caractérise de manière positive notre territoire, c’est qu’il regorge d’énergie. Les demandeurs d’emploi, qui rentrent dans nos agences ont une urgence sociale, nous disent : « il faut que je travaille immédiatement » avec la pression que cela engendre. Le retour à l’emploi est crucial.
Un autre élément fort, c’est chez nous, l’importance du tissu associatif. Que ce soit le conseil départemental ou la mission locale, nous avons le devoir d’agir vite chacun de notre côté. La notion de complémentarité nous mobilise au quotidien. Acteur de Pole emploi, je me dois d’agir concrètement. Le nombre de bénéficiaires du RSA en Île-de-France est le plus important de France. Le conseil départemental avec ses travailleurs sociaux doit accompagner les bénéficiaires afin de lever les freins périphériques (santé, logement, nourriture) à l’emploi. Avec les Jeux Olympiques, cette coordination est particulièrement opérante.
Comment vous êtes-vous organisés pour répondre aux besoins des entreprises attributaires des marchés des Jeux Olympiques 2024 ?
SOLIDEO, la société de livraison des ouvrages olympiques, et maintenant aussi le COJO (le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques) passent des appels d’offres auprès d’entreprises qui ont l’obligation de réaliser 10 % d’heures d’insertion. Nous avons constitué un binôme entre un agent de Pôle emploi et un facilitateur au niveau des établissements publics territoriaux EPT afin de trouver les publics éligibles pour répondre à cette fameuse clause.
SOLIDEO nous communique les noms des entreprises attributaires des marchés, par exemple Bouygues ou Eiffage. Nous allons à leur rencontre afin de déterminer de quelle nature seront leurs besoins en main-d’œuvre et à quelle date. Des acteurs des missions locales trouvent aussi des jeunes qui pourraient travailler sur les chantiers des JO. Les travailleurs sociaux du conseil départemental peuvent aussi avoir des bénéficiaires du RSA qu’ils suivent et qui pourraient être intéressés de travailler sur les chantiers des JO.
Nous n’avons pas systématiquement sous la main un demandeur d’emploi qui correspond exactement au besoin de l’entreprise. Nos équipes doivent préparent les publics et s’assurent parce que nous, on a une responsabilité importante. Les métiers du secteur du bâtiment sont des métiers en tension. Ce qui prouve qu’il n’y a pas adéquation entre les compétences qui sont recherchées par l’entreprise – coffreur brancheur, « Itistes » en fait ce sont des ITE (Isolation Thermique par l’Extérieur) – et les compétences des demandeurs d’emploi qui se présentent à l’entreprise.
Nous, à Pôle emploi, allons nous aussi être confrontés aux mêmes difficultés que les entreprises qui viennent nous voir pour nous confier des offres d’emploi. Nous avons une responsabilité d’information sur les métiers, mais aussi une responsabilité afin de préparer les candidats et les former pour faire correspondre les compétences et le besoin de l’entreprise.
Nous devons anticiper les demandes car s’il faut 12 mois pour acquérir des compétences, nous ne pouvons pas former quand l’entreprise en a besoin. En ce moment, nous formons encore un peu sur le gros œuvre, mais déjà nous anticipons sur le second œuvre. Notre ambition est pouvoir reproduire cette organisation sur d’autres futurs marchés que nous offrent les JO : l’hôtellerie, la restauration, la sécurité, la propreté.
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(Source : Pôle emploi-Dares, STMT, traitements Dares)
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