Les fréquences caniculaires de cet été opèrent un furieux rappel, pour les plus distraits, de ce que nous avions déjà pu vivre en 2019. La trêve thermique des 2 étés précé- dents n’a pas permis de souffler, la pandémie COVID ayant accaparée tout l’espace et toute l’attention… Les temps de crises deviennent la norme, dorénavant il s’agit de « séquences ». A contrario du terme « guerre », galvaudé pour un virus et qui confinait au ridicule pour une « com » déplacée car ne correspondant pas à un véritable environnement de champ de bataille, hormis dans les centres hospitaliers…
Nous constatons néanmoins que l’espace médiatique et les messages de prévention, discutables selon les cas, traitant de la pandémie au quotidien furent tout de même conséquents voire envahissants et pas forcément rassurants selon les réactions de chacun. Cela pouvait s’entendre et concernait l’ensemble de la population.
Par contre, pour la canicule qui ne concerne que les prolétaires, rien ou si peu sur le danger encouru par cette population sacrifiable et souvent sacrifiée. Que ce soit sur les chantiers ou dans les ateliers, ce risque mortel est ignoré sciemment par les décideurs de nos professions et des gouvernants de classe sociale privilégiée en charge de la réglementation législative.
Toujours la même rengaine dans la sphère DRH : « Pourquoi faire un dossier ? Il est mort, il est mort ! … »
D’ailleurs à ce propos, quelle entreprise dans notre champ fédéral a inscrit ce risque mortel dans le Document Unique d’Évaluations des Risques (DUER) ? … Pourtant obligatoire ! Que dit notre arsenal juridique français ? Tout. Et rien… Beaucoup de publications sur ce sujet paraissent, mais trop rarement, quelques idées de bon sens…
Rien. Car aucun texte ne prévoit d’élément obligatoire ou coercitif. « On » recommande, « on » préconise, « on » conseille, « on » invite… Le carnage est donc toujours autorisé, mais seulement pour la « France d’en bas ». Le changement des horaires ? Trop souvent cela sert à amplifier les amplitudes journalières. De plus, finir à 16 H ne supprime en rien le risque de coup de chaud. D’autant qu’avec la reprise plus tôt le matin, les salariés levés à 4H. matin pour une embauche à 6H. finissent par être épuisés. Le seul moment où il serait possible de récupérer correctement (Entre minuit et 6H à cause des températures nocturnes), il faut reprendre le harnais… Bref encore de l’entre soi du monde de l’écrit qui ne fait que se justifier des salaires de l’inutile.
3 litres d’eau par jour ! Seule obligation existante… Nous invitons les rédacteurs d’une telle obligation à partager avec nous une journée sous les combles ou sur un toit, au cul d’un finisseur pour enrobés, au pied d’un pignon de mur ou d’une banche acier, etc… « Ils » s’apercevront vite que nous consommons entre 5 et 10 litres par jour selon l’amplitude journalière et les individualités (corpulence, âge, efforts physiques soutenus etc…). Que la sudation permanente et importante peut constituer des volumes de perte en eau du corps sans commune mesure avec la normalité théorique. (Qui a dit QATAR ? …). Nous pouvons rajouter qu’avec la dotation des gourdes « écolos » et la suppression des contenants plastiques, l’approvisionnement en eau potable sur les chantiers devient une véritable bataille syndicale afin de ne pas crever de déshydratation.
Bref, la flûte traversière a, comme d’habitude, plus d’impact que l’ensemble des « vitrines » de Prévention mises en place dans les boîtes.
L’Organisation Internationale du Travail (OIT) vient de déclarer cet été : « La santé et la sécurité au travail constituent des droits fondamentaux pour l’ensemble des travailleurs ». C’est très bien et à charge pour nous de nous emparer de cette déclaration solennelle. Maîtrisons tout de même que sa prise en compte par l’ensemble des instances civiles et judiciaires en France demeure dans l’incantatoire et ne fait que souligner de temps en temps une décision de justice rendue trop rarement en faveur des victimes. Et sans pour autant que cela détermine un élément à charge significatif lors d’un jugement pour réparation.
La Confédération Européenne des Syndicats (CES) revendique une température maximale où il serait interdit de travailler. Pourquoi pas ? Et cela part d’un sentiment honorable mais le raccourci est peut-être un peu court… Toute la population qui travaille en extérieur souffre à partir de 30° (mesurés à l’ombre). Pour autant, entre des anglais ou des français qui œuvrent dans un cadre horaire de pro- duction dorénavant inapproprié en période estivale et se retrouvent devant un obstacle thermique infranchissable, peut être et sans être dans le sentencieux, devrions-nous nous inspirer d’un cadre horaire espagnol, portugais ou ultra marin, donc français, mieux adapté à ce type d’ex- position mortel. Ou pas !!! A ce jour nous ne sommes que dans la réflexion afin de mieux se projeter dans un ave- nir suffocant… Et encore, pour la réflexion de branche et malgré notre insistance, les chambres patronales du BTP refusent d’aborder le sujet, quel que soit l’angle. Jugeant qu’il n’y aurait que des Équipements Individuels de Pro- tection (EPI) qui seraient en capacité à répondre à l’expo- sition des corps. Tels que les gilets, casquettes, couvres nuques rafraîchissants etc… La gadgétisation, fabriquée par des Ouïgours (?)constituerait donc actuellement la principale orientation…
Afin de tenter d’être com- plet, notre Organisme Pa- ritaire de Prévention du BTP (OPPBTP) considère qu’au-delà de 30° Celsius pour une activité de bu- reau et 28° pour un travail physique, la chaleur peut constituer un risque pour la santé des salariés. Et ce n’est pas la CGT qui l’a écrit !
Petite communication (16.06.22) de la caisse des intempéries pour les filières d’activités BTP (Pour les autres le chômage technique ou l’activité partielle remplace…) : « Les conditions climatiques justifiant un arrêt intempéries sont définies dans le code du travail. Fixant le principe, l’article L.5424-8 mentionne – les conditions atmosphériques et les inondations lorsqu’elles rendent dangereux ou impossible l’accomplissement du travail eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir. – Ces conditions climatiques ont ensuite été précisées par des lettres ministérielles du 20 janvier et du 15 avril 1947 : il s’agit du gel, de la neige, du verglas, de la pluie, du vent et des inondations du chantier.
La canicule ne figure donc pas au nombre des circonstances retenues (Tu m’étonnes, on est en ‘47 !) comme intempéries mais elle peut, en pratique, rendre l’accom- plissement du travail effectivement dangereux ou impos- sible eu égard à la santé ou à la sécurité des travailleurs. A cet égard, la décision de l’arrêt incombe à l’entreprise ou à son représentant sur le chantier. »
En résumé l’arrêt de production est possible, à la condition que le faiseur de veuve y concède (Qui se dit « collaborateur ? »).
La Caisse Intempéries, tu sais le truc patronal régulière- ment rattrapé par la Cour des Comptes pour « opacité de gestion », elle continue donc : « Pour les arrêts qui auront été décidés pour cause de canicule, leur recevabilité au titre du régime d’indemnisation sera examinée au cas par cas par une Commission Nationale (Qui la compose ? On veut les noms !)en fonction des conditions climatiques observées au moment de l’arrêt et du niveau d’alerte déclenché par le Préfet dans le département où se situe le chantier. Sont susceptibles d’être considé- rés comme recevables les arrêts déclarés dans une zone déclarée par le Préfet en niveau d’alerte 3 (Orange) ou 4 (Rouge). »
La Direction Générale du Travail (DGT), tu sais le truc qui devrait être le garant du respect du Code Républicain du Travail, mais sans moyens et sans personnels qualifiés, ou si peu, et sous tutelle stricte des humeurs variables d’un Ministre désigné et quelconque. La DGT donc, dans son Instruction du 31 Mai 2022, « incitent (!) les employeurs à déclarer tout accident du travail » en lien avec les périodes de canicule.
Mince ! On croyait depuis toujours qu’ils étaient obligés de le faire ! Mais bon, ça va aller mieux puisqu’ils sont « incités »…
Notre Fédération des Salariés de la Construction, du Bois et de l’Ameublement CGT (FNSCBA.CGT) informe la DGT que les arrêts cardiaques sur site, qu’ils soient dus à l’hydrocution, à des convulsions « coup de chaud », a de l’épuisement ou à tout autre facteur ne sont pas qualifiés comme accident du travail. La seule qualification dont nous sommes informés, quand nous le sommes, est : « mort naturelle sur la voie publique ! ». Sans qu’aucune enquête judiciaire ne soit entamée.
À force de le dire, voire de le hurler, il semblerait que le recensement des arrêts cardio-vasculaires soit à l’ordre du jour… A suivre… Dans 1 ou 2 siècles peut être… L’Espagne pratique déjà une prise de température sitôt l’arrivée des secours, le lien avec l’exposition à la canicule est ainsi démontré, ou inversement. 500 victimes au sein de la population recensées à la mi-juillet et en lien direct avec des trop fortes chaleurs.
À la mesure de ce constat, sans doute très partiel, quelles possibilités pour le syndicat de l’entreprise afin de tenter de sauver les vies des copains avec qui nous partageons le quotidien ?
Une information massive par le syndicat sur la possibilité pour tout professionnel d’utiliser son Droit de Retrait pour Danger Grave et Imminent quand la situation l’exige. Et 40° dehors comme nous venons de le vivre et que nous vivrons à nouveau, l’exige ! La seule obligation pour ce même professionnel consiste à prévenir immédiatement l’employeur ou son représentant sur site. On ne saurait trop lui conseiller d’avertir dans la foulée le secrétaire général du syndicat CGT de l’entreprise.
À charge pour le syndicat après prise de renseignements, le mieux étant de se rendre sur place selon les cas, de procéder à une déclaration de Droit d’Alerte pour Danger Grave et Imminent à en tête du syndicat, afin d’être en appui du salarié. Un en tête CSE est tout autant recevable, mais le logo CGT permet l’identification de l’action par les salariés.
Ces deux Droits lorsqu’ils sont utilisés sont perçus comme une attitude hostile, voire une provocation par l’ensemble des employeurs, et des suites disciplinaires ou de mise au placard sont souvent la règle après coup. Seul le nombre et la cohésion font que l’adversaire recule, ayant ses responsabilités civiles et pénales engagées en cas de poursuite d’activités.
La revendication pour prise de congés intempéries en cas de canicule annoncée par Météo France doit dorénavant figurer sur l’ensemble des ordres du jour des travaux des CSE. En plus de l’inscription de ce risque dans le DUER comme prévue par la règlementation en vigueur.
Que nous soyons tous assurés que personne ne fera à notre place, que notre Fédération et ses relais se devront d’être présents pour aider les syndicats en entreprise et que ce sujet climatique ne fait que commencer tant dans sa fréquence que dans sa gravité. Alors soyons prêts, contradicteurs, dérangeants, combatifs, hier comme aujourd’hui.
Image par Hands off my tags! Michael Gaida de Pixabay.
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