La nécessité de la transition écologique pour préserver un monde vivable aux générations futures est désormais une évidence scientifique. Pour la CFE-CGC elle doit faire l’objet d’une approche systémique, cohérente du point de vue des aspects scientifiques et techniques, des flux économiques, des ressources physiques, des compétences et de l’emploi pour être maitrisée et non subie et déclinée avec une planification crédible.
Ne communiquer et agir qu’en termes d’objectifs lointains ou d’actions non quantifiées, ne suffira pas à atteindre une neutralité carbone socialement acceptable en 2050. Il est maintenant urgent d’investir l’espace des solutions et de définir et fiabiliser la feuille de route de cette transformation, tant pour l’objectif de neutralité carbone en 2050 que pour des jalons intermédiaires quantifiés nécessaires pour s’assurer de l’atteinte de l’objectif final. Le rôle planificateur de l’Etat doit être renforcé et une instance de gouvernance dédiée doit être créée pour veiller à ce que les investissements consentis soient principalement dédiés à préserver les équilibres naturels et seulement quand c’est indispensable à s’adapter aux dérèglements créés. Il faut aussi consentir un effort important d’information et d’explication de la logique des solutions adoptées, leur bonne compréhension par les citoyens étant indispensable à l’acceptabilité sociétale et à l’adhésion et à l’investissement individuels dans ce projet vital.
L’emploi, qualitativement et quantitativement, sera une conséquence de la feuille de route de décarbonation de l’économie mais le besoin en compétences en est simultanément un point d’entrée et un élément clé de sa bonne réalisation .Une analyse transverse rigoureuse est donc essentielle et doit être synchronisée avec la feuille de route du déploiement des actions de décarbonation, mettant en œuvre une transition juste.
Les facteurs déterminants de cette transformation sur l’emploi
L’impérieuse nécessité de mieux comprendre les équilibres naturels et les moyens de leur préservation doit logiquement conduire à une augmentation significative de l’effort de recherche de l’Etat (la France est aujourd’hui très en retard sur l’objectif européen de 3% du PIB) et du nombre d’emplois très qualifiés dans ce domaine, condition également nécessaire à notre maintien dans le club des pays avancés.
La relocalisation en France d’activités industrielles, indispensable tant pour notre autonomie stratégique que pour la diminution de notre empreinte carbone importée, va recréer des emplois attractifs et contribuer à la revitalisation de nos territoires. Elle va nécessiter le développement de procédés industriels plus ‘propres’ comme par exemple la captation du carbone à la source, mobilisant des compétences techniques et impliquant donc que l’Etat investisse davantage dans notre système éducatif pour augmenter le niveau de formation scientifique de nos jeunes générations. L’adoption de nouvelles normes comptables intégrant les données extra-financières et comptabilisant les externalités négatives amènera logiquement à ce que ces emplois utiles soient rémunérés correctement, le coût du travail n’étant plus le facteur déterminant de la compétitivité environnementale de notre économie.
Une condition importante du succès de cette transformation est de faire des entreprises des acteurs engagés de la mise en œuvre de cette feuille de route nationale. L’approche par la RSE a permis quelques progrès mais a montré ses limites pour gérer l’urgence climatique. La prééminence de la financiarisation s’oppose encore souvent à la mise en place des stratégies de long terme indispensables. Le déficit d’investissements est toujours criant, la priorité étant toujours globalement donnée à la rémunération des actionnaires.
Pour la CFE-CGC le modèle d’entreprise, incluant sa gouvernance, doit être revu pour devenir plus responsable et durable. C’est une condition indispensable pour que notre industrie retrouve des couleurs en mettant ses compétences au service de cette transformation et que notre système bancaire soit un réel acteur de la finance responsable. Avec la contribution des autres secteurs d’activités et de nos services publics, c’est l’ensemble de notre économie qui sera pourvoyeuse d’emplois qualifiés et utiles dans la durée.
La CFE-CGC revendique que les salariés, partie constituante de l’entreprise, soient représentés à hauteur de moitié des membres du Conseil d’administration, suivant le modèle en vigueur en Allemagne et dans les pays nordiques. Elle propose une évolution législative prescrivant aux grandes entreprises qui publient une ‘guidance financière’ précisant leur trajectoire de résultats financiers futurs sur un horizon typique de 5 ans d’y associer une feuille de route environnementale et sociale avec des objectifs quantifiés sur le même horizon. C’est indispensable pour inclure les entreprises dans l’atteinte des objectifs globaux, pour donner une meilleure visibilité sur leur engagement environnemental et social et apporter davantage de sens au travail de leurs salariés.
La transition va entrainer une évolution de nombreux métiers, tant en termes de compétences qu’en volume d’emplois du fait d’activités qui vont se réduire et d’autres qui vont croître. L’anticipation doit être la règle. Pour la CFE-CGC, les entreprises, en particulier les grandes, détiennent une part significative de la solution : elles ont intérêt à adopter une stratégie bâtie davantage sur l’exploitation et la valorisation des compétences de leurs salariés plutôt que sur la pratique en vigueur privilégiant une approche ‘business’ visant à être un ‘pure player’ sur un seul marché. Des compétences mises en œuvre sur un secteur peuvent en effet être valorisées dans d’autres activités : c’’est tout le sens de l’investissement croissant des élus CFE-CGC sur les sujets de stratégie industrielle avec comme action exemplaire en cours celle des élus de General Electric Belfort. Travailler sur l’attractivité des métiers ‘utiles’ et bâtir des filières métier permettant des évolutions professionnelles est également indispensable.
La nature du travail sera également impactée
La structuration de l’activité économique est une clé de la réussite de la transition. Les technologies numériques sont utiles mais leur régulation doit être renforcée afin de ne pas précariser un nombre croissant d’emplois et préserver une réelle utilité sociale.
De nouveaux équilibres de modes de travail devront être trouvés pour combiner au mieux les interactions sociales indispensables à une inventivité et une productivité collective et une sobriété accrue dans les déplacements professionnels. Enfin cette transition est une opportunité formidable pour satisfaire l’attente forte des jeunes générations pour davantage de sens dans leur travail. Ce phénomène général impacte particulièrement les salariés de l’encadrement qui, en plus de leurs propres attentes, doivent motiver et fédérer les collaborateurs de leurs équipes. La mise en pratique d’un leadership durable est d’ailleurs un des chantiers phare de la Confédération Européenne des Cadres.
BIOGRAPHIE. Ingénieur aéronautique, Gérard Mardiné a 62 ans. Il a fait sa carrière dans les activités de recherche et développement du groupe aérospatial Safran. Elu CFE-CGC depuis 1987, sa carrière l’amène à être nommé directeur d’un centre de R&D de 600 salariés. Il est coordinateur syndical CFE-CGC de Safran de 2008 à 2018 et président du fonds d’actionnariat salarié (qui est le 2ème actionnaire de Safran) et administrateur de Safran de 2016 à 2020. Il est élu en 2016 secrétaire national confédéral de la CFE-CGC en charge de l’économie, du développement durable et de la RSE et négocie l’Accord national interprofessionnel sur l’encadrement . Il est élu Secrétaire général de la CFE-CGC en octobre 2019.
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