Jeudi 3 décembre 2020
Selon un nouveau rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT), les tendances salariales mondiales ont souffert d’une pression à la baisse massive due au COVID-19. Les salaires des femmes et des travailleurs faiblement rémunérés ont été particulièrement touchés par la crise.
Les salaires mensuels ont baissé ou ont progressé de manière plus lente au premier semestre 2020 en raison de la pandémie de COVID-19 dans deux tiers des pays pour lesquels on dispose de chiffres officiels. Le nouveau rapport mondial sur les salaires 2020-21 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) indique également qu’à brève échéance, la crise devrait faire subir aux salaires une très forte pression vers le bas.
Les salaires des femmes et des travailleurs faiblement rémunérés ont été impactés par la crise de manière disproportionnée.
Alors que, dans un tiers des pays pour lesquels des chiffres ont été publiés, les salaires moyens ont semblé augmenter, il ne s’agit en réalité, en grande partie, que de la conséquence du fait qu’un nombre substantiel de travailleurs faiblement rémunérés ont perdu leur emploi, ce qui fausse la courbe moyenne puisqu’ils n’apparaissent plus dans les statistiques concernant les salariés.
Dans les pays dans lesquels des mesures radicales ont été prises pour préserver le marché du travail, les effets de la crise se sont fait sentir principalement par des baisses de salaires plutôt que par des suppressions massives d’emplois.
Le Rapport mondial sur les salaires 2020-21 souligne également que tous les travailleurs n’ont pas été touchés par la crise de manière égale.
Les conséquences sur les femmes ont été bien plus graves que sur les hommes. Selon une estimation basée sur un échantillon de 28 pays européens, on constate que, sans les subventions salariales, les femmes auraient perdu 8,1% de leur salaire au deuxième trimestre 2020, en comparaison à 5,4% pour les hommes.
La crise a également impacté sévèrement les travailleurs faiblement rémunérés. Ainsi, ceux qui ont un métier peu qualifié ont perdu un nombre d’heures travaillées beaucoup plus important que ceux qui exercent des métiers d’encadrement et qui disposent d’emplois qualifiés mieux rémunérés. En se basant sur les chiffres de cet échantillon de 28 pays européens, les auteurs du rapport ont calculé que, sans les subventions salariales, la moitié des travailleurs les moins bien rémunérés auraient perdu environ 17,3% de leur salaire.
Sans les subventions, la baisse du montant moyen perdu sur les salaires pour l’ensemble des travailleurs aurait été de 6,5%. Toutefois, les subventions salariales ont permis d’en compenser 40%.
«L’accroissement des inégalités entraîné par la crise du COVID-19 menace de laisser derrière elle de la pauvreté ainsi qu’une instabilité sociale et économique, ce qui serait désastreux», souligne Guy Ryder, Directeur général de l’OIT. «Notre stratégie de relance doit être centrée sur l’humain. Nous avons besoin de politiques salariales appropriées qui prennent en considération la durabilité des emplois et des entreprises et qui s’attaquent aux inégalités ainsi qu’à la nécessité de soutenir la demande. Si nous voulons vraiment reconstruire un avenir meilleur, nous devons aussi nous emparer de questions gênantes comme, par exemple, le fait de savoir pourquoi des métiers ayant une valeur sociale élevée, à l’image de ceux des soignants et des enseignants, sont très souvent mal payés.»
Le rapport analyse aussi les systèmes de salaire minimum, qui pourraient jouer un rôle important pour bâtir une relance économique durable et équitable. Il existe un salaire minimum, sous une forme ou sous une autre, dans 90% des Etats Membres de l’OIT. Mais avant même le début de la pandémie de COVID-19, le rapport signale que, de manière globale, 266 millions de personnes – 15% des salariés à travers le monde – étaient payées à un niveau inférieur au salaire horaire minimum, soit parce que la législation n’était pas appliquée, soit parce qu’elles en étaient exclues. De même, les femmes sont surreprésentées au sein des personnes payées à un niveau égal ou inférieur au salaire minimum.
«Un salaire minimum à un niveau approprié est susceptible de protéger les travailleurs contre les rémunérations faibles et de réduire les inégalités», affirme Rosalia Vazquez-Alvarez, l’une des auteurs du rapport.
«Cependant, pour s’assurer que les politiques en matière de salaire minimum soient efficaces, nous avons besoin d’une série de mesures complètes et inclusives, en l’occurrence un meilleur respect de la réglementation, une couverture plus large touchant un nombre plus important de travailleurs, ainsi que la fixation d’un salaire minimum à un taux approprié et réajusté qui puisse permettre aux populations de se construire une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leurs familles. Dans les pays en développement et dans les pays émergents, un meilleur respect de la réglementation passe par l’intégration au sein du secteur formel des personnes ayant un travail informel.»
Le Rapport mondial sur les salaires 2020-21 passe également en revue les tendances salariales dans 136 pays dans les quatre années précédant la pandémie. Il souligne que la croissance des salaires réels au niveau mondial a fluctué entre 1,6 et 2,2%. L’augmentation la plus rapide des salaires réels a été enregistrée en Asie-Pacifique et en Europe de l’Est, tandis qu’elle a été beaucoup plus lente en Amérique du Nord ainsi qu’en Europe du Nord, en Europe du Sud et en Europe de l’Ouest.
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