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Mal être au travail et chômage causes de suicides

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12 juin 2020 – AFP

Les experts du 4e rapport de l’Observatoire national du suicide, publié mercredi, alertent sur les liens entre le suicide, la perte d’emploi et des situations de mal être au travail. Ils redoutent la perspective d’une envolée du chômage après l’épidémie de Covid-19.

L’actualité fait régulièrement état de suicides de personnes sur leur lieu de travail ou de témoignages de personnes qui se sont suicidées en incriminant leurs conditions de travail. La perte d’un emploi et la situation de chômage peuvent également fragiliser les personnes et entraîner un risque suicidaire. Que signifient ces suicides liés à la situation professionnelle ? Comment les prévenir ?

Dénombrer les suicides liés au travail ou au chômage est un exercice délicat. La part qu’ont représenté les facteurs professionnels dans la décision de la personne de mettre fin à ses jours est difficile à évaluer. Pourtant, ce geste ne peut pas être réduit à une fragilité individuelle et les conditions de travail ou le vécu du chômage sont souvent en cause. Face à cette réalité, des mesures concrètes de prévention du suicide sont mises en oeuvre dans de nombreuses professions, celles s’adressant aux chômeurs restent, en revanche, à construire.

L’Observatoire national du suicide apporte des éclairages académiques, statistiques et juridiques sur les suicides liés au travail et au chômage. Il offre également un état des lieux des évolutions des systèmes d’information pour améliorer la mesure globale des suicides et éclairer les liens avec la situation professionnelle et la santé mentale.

« Le lien entre taux de chômage et suicide est connu depuis la crise de 1929 aux États-Unis, et de nombreuses publications portant sur la crise de 2008 ont aussi montré un lien incontestable entre suicide et perte d’activité et précarité », a souligné le psychiatre Michel Debout lors d’une conférence de presse.

« Il est urgent qu’un comité d’experts se mette en place, comme cela a été le cas pour le risque épidémiologique, mais cette fois sur le risque suicidaire, pour formuler des préconisations en terme de santé et de prévention », souligne-t-il.

Selon le 4e rapport de l’ONS (créé en 2013), la France comptabilisait en 2016 près de 9.300 décès par suicide, une proportion certes en forte baisse (14 pour 100.000, contre 21/100.000 en 2000) mais qui fait de l’Hexagone un des pays européens où on se suicide le plus (9e rang sur 28).

Le procès retentissant de France Télécom et de ses ex-dirigeants, qui a retenu en décembre dernier pour la première fois le délit de « harcèlement managérial » a mis en lumière le risque posé par les nouvelles formes de management depuis les années 1990, relève le sociologue Christian Baudelot. Les mots de « stress », « burn out », souffrance au travail » font désormais partie du vocabulaire courant.

« Même si le lien de causalité avec les conduites suicidaires n’est pas direct, le travail peut être mis en cause dans le processus suicidaire », indique l’ONS.

« Le travail ne peut être considéré comme cause unique et simple du suicide, mais il y a de nombreux cas où le travail est en cause dans le passage à l’acte », précise Christian Baudelot.

  • Personnels de santé, policiers –
    Agriculteurs, ouvriers et employés ont un risque deux à trois fois plus élevé de décéder par suicide que les cadres.

Parmi les secteurs d’activité les plus à risque figurent les personnels de la santé et de l’action sociale (34,3 suicides pour 100.000, selon des données de 2005) et ceux de la police (sur-risque de 41% pour les hommes, 130% pour les femmes, selon une enquête menée entre 2013 et 2016).

Plusieurs études montrent que les personnes les plus impliquées dans leur travail, avec une forte charge émotionnelle et qui font face à des injonctions contradictoires (soigner mieux avec moins de temps, par exemple), sont à risque, indique le professeur Michel Debout.

Le rapport détaille les mesures de prévention mises en oeuvre par certains organismes (Mutualité sociale agricole, dispositif APESA pour les chefs d’entreprises, mobilisation dans la police nationale, l’administration pénitentiaire).

Dans les entreprises, « trop souvent, on réagit à chaud après une crise, et six mois plus tard tout est oublié », regrette Jean-Claude Delgenès, dont le cabinet Technologia a travaillé sur les suicides au Technicentre Renault de Guyancourt (2006-2007) et à France Télécom. Il plaide pour une « prévention active dans la durée ».

Si le travail peut être toxique, l’absence de travail l’est encore davantage, avec un impact avéré sur la santé, souligne Michel Debout. « Or, depuis le rapport de l’association Solidarités nouvelles face au chômage il y a deux ans, rien n’a été fait ».

Une étude de la Fondation Jean Jaurès de 2016 montre que 30% des chômeurs interrogés « ont sérieusement songé à se suicider », contre 19% chez les actifs.

Michel Debout note que trop de médecins généralistes ignorent la situation de travail de leurs patients.

Plus généralement, les données statistiques manquent. « La remontée des données sur les décès est difficile, avec seulement un décès sur cinq certifié électroniquement », souligne Fabrice Lenglart, directeur de la Drees (service statistique du ministère de la Santé).

La mise en relation du fichier démographique permanent avec celui des données de santé doit permettre de mieux cerner les causes de suicides, avec de premières études attendues début 2021.

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