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Travail, territoire et pacte social

Par Pierre Madiot de la Compagnie Pourquoi se lever le matin !

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À l’occasion des dernières élections présidentielles, on a pu se rendre compte à quel point le pays est traversé par des fractures territoriales fortes. Depuis plus de deux ans, les travailleurs font l’expérience de déployer leurs compétences dans une situation dégradée par la crise sanitaire. Si certains y ont gagné en autonomie et en responsabilité; si, au prix d’une intensification de leur travail, ils ont pu inventer de nouvelles manières de faire du bon boulot, de garder le lien avec les destinataires de leur travail, d’autres ont pu mesurer les difficiles conditions dans lesquelles ils exercent leur activité professionnelle. Au-delà des effets du confinement sur la gestion du temps et sur la planification du travail, il serait intéressant de se pencher aussi  sur les effets de la crise sanitaire sur la manière dont, territoire par territoire, a été et est désormais vécu l’espace de travail.

Comment les bureaux et les ateliers, les lieux de contact avec le public (guichet, commerce, hôpital, salles de classe…) ont-ils fonctionné dans les circonstances qui imposaient les distances physiques et limitaient le nombre de présents ? Qu’est ce que ces distanciations ont entraîné, après le confinement, dans l’agencement des espaces, dans l’organisation des réunions ? Quels effets sur la communication, sur les prises de décisions ? Quels effets, surtout, sur la conscience d’appartenance au collectif de l’équipe, de l’entreprise ? 

Chaque atelier, chaque exploitation agricole, chaque immeuble de bureaux, chaque plateforme logistique… a en effet sa géographie, son histoire, son économie, ses rites. Moduler les lieux fait plus que répartir les espaces. À l’intérieur de chacun, différents métiers cohabitent, collaborent plus ou moins facilement ; et chaque travailleur va occuper un poste de travail, le délimiter, y exister tout en participant à une réalisation plus grande que la tâche elle-même, dans un périmètre plus vaste que celui du lieu de travail et de l’entreprise.

Si on passe à l’échelle du bassin d’emploi et de la région, on voit que chaque territoire peut être globalement caractérisé par une activité dominante liée à un contexte physique, socio-économique, culturel et historique singulier. Cela se voit dans le paysage, dans l’urbanisme, dans l’aménagement, dans la façon dont les activités se disputent l’espace, coexistent ou s’associent. Cela se voit  dans l’empreinte que ces activités laissent sur l’espace et sur les gens. Cela se voit dans la manière dont ces derniers en parlent, dont ils en tirent fierté ou amertume. Cela se voit dans la façon dont les travailleurs se reconnaissent : on ne travaille pas de la même façon à Dunkerque, à Saint-Nazaire, ou à Marseille. Cela se voit enfin dans la manière dont les dynamiques ou les sentiments collectifs d’abandon peuvent germer et se développer.

En bref, si tout le monde convient que le travail ne se définit pas seulement par ses objectifs de production, la crise sanitaire à contribué à nous apprendre qu’il ne se définit pas seulement non plus par les conditions dans lesquelles il est exécuté, ni par sa seule technicité. Il faut ajouter à ces critères le processus plus ou moins créatif qui est à l’œuvre et qui engage le travailleur aussi intimement que socialement. Et il faut ajouter aussi que, paradoxalement, en cantonnant les travailleurs à leur domicile et en limitant drastiquement l’accès aux lieux de travail, cette crise nous a montré que le travail s’exerce quelque part. Il est situé. Et cette « situation » forme une série d’horizons qui peuvent être autant de cercles d’appartenance professionnelle, géographique, sociologique, culturelle… et politique… Les dernières élections ont traduit ce phénomène dans les urnes : on n’a pas voté de la même façon dans les villes, dans les banlieues plus ou moins lointaines,  et dans les campagnes ; pas de la même façon à l’ouest, à l’est, au centre, au nord, au sud. On peut faire, avec Jean-Marie Charpentier (“C’est du côté du travail que ça coince”), l’hypothèse que la façon dont le travail y est globalement vécu, territoire par territoire, met en question le pacte social qui est censé nous rassembler. Situer le travail dans son territoire pourrait alors constituer une clé utile de compréhension et, parmi d’autres, fournir un levier pour contribuer à redonner de la dignité aux salariés qui se sentent méprisés et délaissés. C’est le dernier chantier qu’a engagé la “Compagnie Pourquoi se lever le matin” !

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