Un bâtiment hospitalier ne soigne pas par lui-même. Une salle de classe n’enseigne pas. Les salades ne poussent pas toutes seules. De même, un train n’avance, un produit ne se fabrique ni ne se vend, un colis ne se livre … qu’avec du travail humain, vivant. Pour apporter le point de vue du travail, exprimé par ceux qui le font, dans les débats qui agitent notre société : santé, alimentation, enseignement, transport, énergie … nous avons créé l’association La Compagnie Pourquoi se lever le matin ! qui se propose de recueillir et de mettre en forme les récits que chacun peut faire de son propre travail.
Beaucoup de travailleurs que nous avons rencontrés n’auraient pas imaginé se lancer dans l’écriture de leur travail. Résultat des clichés opposant la culture « noble », celle de l’écrit, et la culture populaire ? Effet de la division du travail entre ceux qui le conçoivent et l’écrivent et ceux qui le réalisent ? Sentiment que leurs histoires ne présentent pas d’intérêt, puisqu’ils ne font « que leur travail » ? Crainte de représailles dans leur entreprise, et même dans leur service public ? Nous savons bien que parler de son travail ne va pas de soi. Il est souvent plus facile d’aborder sa propre activité sous l’angle des prescriptions que de raconter ses tours de main, de révéler ce que l’on met de son intelligence et de ses émotions dans son travail. Cet exercice réflexif est d’autant plus ardu qu’il est difficile de s’exprimer sur son travail dans le monde professionnel. On y parle emploi, travail prescrit. L’activité réelle a peu sa place.
Mise en récit, l’activité du travailleur s’expose en effet à s’écarter de la froide relation des faits pour faire apparaître des interrogations, des difficultés, des dilemmes, des prouesses du quotidien. Lue comme récit, l’activité du travailleur prend alors pour le lecteur, et pour le travailleur lui-même, une force que n’ont pas les discours « sur » le travail. Par exemple, les analyses sur le grand bricolage du travail à distance ou sur ce que l’on fait à l’hôpital, au-delà de la colère et du slogan, resteront quelque peu incantatoires tant que les acteurs de terrain n’exprimeront pas directement ce qu’ils mettent d’eux-mêmes dans leur travail.
Aussi, nous nous proposons de partager régulièrement avec les visiteurs de la plate-forme Travailler au Futur, quelques aperçus des récits publiés par la Compagnie et les réflexions qu’ils nous auront inspirées. Mettons le travail en débat !
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